(Les passages surlignés en gras italique sont de notre fait).
Mots clés : individualisme, matérialisme, inutilité pour la société.
M. Hervé Mariton. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, au nom du groupe UMP je veux d’abord et surtout m’adresser à nos collègues de la majorité pour leur dire que nous les respectons dans ce débat.
M. Jean-Claude Perez et Mme Geneviève Gaillard. Heureusement !
M. Hervé Mariton. Nous vous respectons, nous savons que certains d’entre vous peut-être, je pense pas très nombreux, font un choix par idéologie et que sans doute beaucoup sont de bonne foi, quelques-uns sans doute sous la pression… (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)Nous avons entendu et lu ce matin les déclarations de votre président de groupe qui dit à ceux qui hésiteraient qu’ils ne sont pas obligés d’être membres du Parti socialiste ou soutenus par le Parti socialiste, mais je crois que vous saurez résister à cette pression.En tout cas, l’objet de mon propos est de vous convaincre de ne pas voter ce texte…
M. Michel Ménard. Ce n’est pas gagné !
M. Hervé Mariton. … et de faire en sorte que ce texte, demain, ne soit pas loi de la République car je pense que ce n’est pas l’intérêt de la nation et je pense que ce n’est pas l’intérêt des enfants de France.Alors, bien sûr, ensemble, nous devons, nous pouvons, dans ce débat, respecter les Français. Respecter les Français, c’est déjà reconnaître qu’il y a d’autres enjeux, d’autres priorités, auxquelless les Français aimeraient que nous consacrions beaucoup de notre énergie.
M. Matthias Fekl. Comme un référendum ?
M. Hervé Mariton. Mais enfin, sur notre sujet, il y aurait une manière de respecter les Français qui serait un référendum : nous en reparlerons le mois prochain, après que, je le pense, le Sénat aura voté la loi organique qui permet d’organiser le référendum d’initiative populaire et vous ne sauriez naturellement vous opposer à cette percée, à ce progrès démocratique. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)Mais, avant même de parler de référendum, regardons ensemble l’état de l’opinion. De manière assez solide nous devons le reconnaître, elle est majoritairement favorable au mariage des personnes du même sexe, et en même temps majoritairement défavorable à la filiation et à l’adoption. C’est apparemment une contradiction puisque la filiation, l’adoption, vont avec le mariage. Pour la résoudre, il y a deux choix, deux possibilités : soit la contrainte idéologique, mais vous valez mieux que cela ; soit la recherche d’une solution pragmatique et c’est l’objet de nos amendements pour le contrat d’union civile, l’alliance universelle, pour l’amélioration du droit des tiers également. En commission, j’ai même perçu que Mme le garde des sceaux, avant d’être reprise par M. le président de la commission, avait marqué quelque intérêt pour cette solution.Nous respectons les Français, nous vous respectons aussi. Nous pensons simplement qu’il est important toujours de choisir ceux qui nous inspirent : soyez attentifs, si l’on peut vous donner quelques conseils, à choisir ceux qui vous inspirent. Je lisais avant-hier une tribune de Me Mécary, avocate reconnue comme inspiratrice de l’évolution que vous portez, « le progrès » disent certains. Me Mécary n’a pas encore la certitude que ce projet de loi sera voté, qu’elle formule déjà d’autres propositions. Me Mécary, dans une démarche intéressante quant à sa conception du mariage, de la famille, fait des propositions révélatrices : Elle propose que dans le mariage on supprime la fidélité, elle propose aussi que dans le mariage on supprime la présomption de paternité.Et puis vous pouvez trouver d’autres inspirations : vous avez entendu, vous avez lu les déclarations de Sylviane Agacinski, qui marquent pour le moins peu d’enthousiasme pour le mariage des personnes du même sexe, peu d’enthousiasme pour l’adoption et la filiation, peu d’enthousiasme pour la procréation médicalement assistée et peu d’enthousiasme pour la gestation pour autrui.Est-ce que vous pensez réellement que Sylviane Agacinski ne mérite pas davantage de vous inspirer que Me Mécary ? Réfléchissez, s’il vous plaît.
M. Bernard Roman. Il y a Élisabeth Badinter et d’autres aussi !
M. Hervé Mariton. Il faut aussi, chers collègues, ensemble si vous le voulez bien, voir les conséquences de ce que vous pourriez voter. Ceux d’entre vous qui portent des amendements favorables à l’assistance médicale à la procréation êtes pleinement conséquents. Je ne peux pas critiquer les auteurs des amendements, je ne peux pas critiquer le président du groupe socialiste ni le Gouvernement, qui annoncent que la PMA viendra en conséquence de ce texte. Car, nous le savons, les auditions monsieur le rapporteur l’ont démontré : des adoptions internationales il n’y en aura pas, des adoptions internes il n’y en a guère. Ce texte aura essentiellement pour effet soit la régularisation de transgressions que constituent les PMA ou GPA faites à l’étranger, soit la légalisation de la PMA ou de la GPA en France.Alors, s’il vous plaît, ne cédez pas à ce qui est tout de même une facilité – et une habileté, comme dirait le président de la commission –, celle qui consiste à tronçonner la matière en deux : un projet de loi en janvier et février, un autre à peine un mois plus tard. Ni nous ni vous ne pouvons décemment être dupes de cette astuce, à moins d’en accepter la totalité des conséquences.
M. Yannick Moreau. Bien sûr !
M. Hervé Mariton. Bossuet disait que Dieu se rit de ceux qui se lamentent des conséquences dont ils adorent les causes. Nous en sommes exactement là.Et puis, chers collègues, vous pouvez aussi objecter à ce texte parce que vous, nous, portons, dans nos responsabilités, dans nos mandats, une ambition politique. Notre mission, c’est d’inventer plutôt que d’imiter. Quand il y a des enjeux nouveaux, des questions nouvelles, des situations différentes, faut-il absolument imiter ce qui existe, par seul respect dogmatique de l’histoire ? Ou faut-il avoir cette capacité d’inventer que nous pourrions appeler progrès ? Oui, nous, vous, devons porter des valeurs, donner du sens, plutôt que nous soumettre à une histoire implacable. N’est-ce pas pour cela que nous, vous, faisons de la politique ?Chers collègues, permettez-moi de corriger le propos de ma collègue Corinne Narassiguin. Attention aux comparaisons internationales. En France, à dire vrai, que l’on soit à gauche, à droite ou au centre, on accepte parfois qu’une réponse française soit élaborée.
M. Matthias Fekl. Et à l’extrême droite ?
M. Hervé Mariton. Une réponse française n’est pas interdite. Et à dire vrai, c’est une réponse qui n’est pas isolée. Le plus grand nombre de pays en Europe, le plus grand nombre de pays dans le monde, le plus grand nombre d’États aux États-Unis ne reconnaissent pas le mariage, l’adoption, la filiation pour les personnes de même sexe.Et puis, vous le savez, et c’est notre fierté, il y a une force exceptionnelle du mariage républicain en France. Vous l’avez dit cet après-midi, madame la garde des sceaux. Dans nombre de pays sur lesquels vous appuyez votre comparaison, la forme ordinaire du mariage est le mariage religieux, dans des pays qui n’ont pas, comme la France, cette belle force de la démocratie et de la République qu’est la séparation de l’Église et de l’État. Alors, je suis désolé, vos comparaisons ne tiennent pas. Et justement, la force de la laïcité en France, la force du mariage républicain, la force de la séparation de l’Église et de l’État, c’est ce qui justifie une réponse qui, en France, peut être différente de celle d’autres pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Michel Ménard. Ne dénaturez pas la laïcité !
M. Hervé Mariton. Eh oui, chers collègues ! Quelle est notre vision de la famille ? Faut-il absolument que notre vision, sur ces bancs, soit différente ? Depuis des décennies, la gauche et la droite, en France, ont su porter une vision commune de la famille. La famille, comme d’autres questions de notre société, fait partie d’un consensus de la République. Il y a, dans le débat public, des sujets de division – c’est inhérent à la démocratie –, il y a aussi quelques sujets d’unité, et la famille en a longtemps fait partie. Faut-il absolument créer, sur la famille, des sujets de dispute, de clivage, de division, de rupture ? Hélas, François Hollande, dans la campagne présidentielle, a amorcé ce clivage et cette division.
M. François Rochebloine. Et il disait vouloir rassembler !
M. Hervé Mariton. Mais, je vous en conjure, ne persévérez pas dans cette voie !Pour lutter contre la précarité, nous voulons encourager la famille durable, la famille cellule de base de la société ,…
M. Jean-Claude Perez. Les familles !
M. Hervé Mariton. … la famille avec le projet – parfois difficile, parfois inaccompli – de la durée et de la transmission, utile à la société . La société reconnaît différentes sortes de conjugalité. Il peut y avoir une relation, il peut y avoir concubinage, il peut y avoir un PACS, il peut y avoir un mariage, parce que les engagements, les devoirs, les droits ne sont pas les mêmes. Alors oui, nous formons, pour les couples de même sexe, ce projet du contrat d’union civile, de l’alliance universelle, qui peut répondre de manière pragmatique aux enjeux qui sont posés.Eh oui, nous le disons, nous pensons que la solidité de la société, la solidité de la famille – toujours imparfaite – va mieux avec une définition ordinaire , qui se trouve dans la conjugaison d’une dimension naturelle et d’une dimension culturelle. Si nous étions exclusivement dans une définition naturelle, vous pourriez nous le reprocher. Si vous vous placez exclusivement dans une définition culturelle, c’est la famille, et la société tout entière, que vous fragilisez. Je crois que nous pouvons nous retrouver, nous rassembler dans cette double définition.Alors, attention. Vous dites parfois : « ce qui fait famille ». Attention à cette expression ! Attention à ce que l’on peut mettre derrière le désir d’enfant – toutes les combinaisons génétiques, je dirais presque mécaniques, que l’on peut imaginer. J’ai cité à plusieurs reprises, dans les débats en commission, monsieur le rapporteur, des papiers de la littérature scientifique. Je pense en particulier à toute une série de documents qui sont parus en 2010 , et qui traitent – il est vrai qu’il ne s’agit que d’expérimentations animales – de la capacité d’engendrer à partir de deux animaux de même sexe, sur leur propre patrimoine génétique. Où s’arrête le désir d’enfant ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean-Claude Perez. Qu’est-ce que ça a à voir ?
M. Bernard Roman. C’est lamentable !
M. Hervé Mariton. Et puis, attention aux faiblesses, aux dangers de la multiparentalité. Puis-je vous rappeler ce propos éclairant du laboratoire d’idées du parti socialiste, il y a à peine un an. Le laboratoire d’idées du PS valide l’homoparentalité, et, de ce fait, un plus grand nombre de parents – plus encore en cas de famille recomposée –, et il pose la question suivante, très sage et très juste : s’il y a beaucoup de parents, à combien de parents doit-on l’obligation alimentaire ? Et il répond : aux deux premiers, dans l’ordre chronologique. Est-ce cette définition-là de la famille que nous voulons ? Je ne le crois pas.Alors, c’est vrai, Terra Nova – suivie en cela par certains d’entre vous, mais pas par tous, et notamment pas par ceux qui sont le plus attachés à la dimension populaire de notre engagement politique – avait théorisé l’abandon des classes populaires, des classes moyennes, et l’addition des catégories. Mais attendez ! Ne vous arrêtez pas à cela ! Vous savez – et vous êtes attachés à cette idée – que des catégories ne fondent pas une nation. Attention à la dilution de la définition de la famille, qui l’affaiblit. À un certain moment, les moyens budgétaires, économiques, financiers ne sont plus là. Si vous avez une définition trop large de la famille, comment faites-vous pour financer la carte « Familles nombreuses », comment faites-vous pour financer la politique fiscale ?
M. Bernard Roman. On fait comme aujourd’hui !
M. Hervé Mariton. Enfin, chers collègues, quelle vision de la société avons-nous ? Voulez-vous privilégier l’individualisme ? Puis-je vous raconter une anecdote ? (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. Jean-Claude Perez. Une rigolote, alors !
M. Hervé Mariton. Il y a quelques mois, j’étais à Chambéry, à la permanence de l’UMP. Je discute avec une jeune femme qui explique qu’elle veut un enfant quand elle veut, comme elle veut, après avoir épanoui sa vie personnelle, professionnelle, politique. Et je lui dis : « Mais, madame, est-ce que ce n’est pas un peu égoïste ? ». Car au fond, ce qu’elle revendiquait, c’est la PMA pour elle-même, et quand elle veut. Et elle me répond : « Avec tout le temps que je donne à l’UMP, vous n’allez pas me traiter d’égoïste ! » (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean-Claude Perez. Elle est très rigolote ! Une autre !
M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Mariton.
M. Hervé Mariton. Eh bien, nous sommes là dans le sujet. Il y a des bornes au désir d’enfant ! Et c’est tout de même un peu paradoxal que ce soient nous, à droite et au centre, qui nous engagions contre ce danger d’individualisme et de matérialisme qui menace notre société . On pourrait s’attendre à ce que la gauche soit plus mobilisée pour faire face à ce danger de l’individualisme et du matérialisme. Le mariage, ce ne sont pas que des droits, ce sont aussi des devoirs. Ce n’est pas qu’un enjeu patrimonial, c’est bien plus que cela. C’est nécessairement un projet familial et un projet de transmission.Alors, pour conclure, ce qui m’inspire, ce n’est pas une consigne du parti – ce n’est pas mon genre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ce n’est pas une consigne d’Église – ce n’est pas mon sujet. C’est le droit des enfants, c’est l’avenir de la société, c’est la transmission. Alors, oui, c’est tout simple : libérez-vous ! (Rires sur les bancs du groupe SRC. - Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)Chers collègues de la majorité, qui êtes élus en métropole et en outre-mer – et l’on sait combien les élus d’outre-mer sont rétifs à ce projet de loi –, exprimez votre choix !
M. le président. Il faudrait libérer la tribune, cher collègue !
M. Hervé Mariton. Secouez la contrainte du parti, exprimez votre opinion, exprimez librement votre vote !
M. Philippe Gosselin. Lâchez-vous !
M. Hervé Mariton. Pour que la liberté soit aussi responsabilité, pour que l’égalité soit aussi respect de la différence, et pour que la fraternité se fonde, plutôt que sur la division, sur l’unité, nous ne voterons pas ce texte. Mais je souhaite que de nombreux collègues, parmi vous, aient le courage de ne pas le voter non plus. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)